Σάββατο 28 Απριλίου 2012

Y a-t-il un président pour séduire la reine ?

QUEL SERA LE POINT COMMUN du prochain président, quelle que soit sa couleur politique, avec tous ses prédécesseurs de la Ve République ? La reine d'Angleterre. Montée sur le trône en 1952, Elizabeth II fut l'interlocutrice de tous nos présidents depuis Vincent Auriol - c'était encore la IVe République.
Celle qui célébrera en juin son jubilé de diamant connaît bien la France, c'est même le pays européen qu'elle connaît le mieux. Elle y a effectué quatre visites d'Etat, en 1957, 1972, 1992 et 2004, sans parler de nombreux voyages privés liés à son amour des courses hippiques. 


C'est aussi en France, en 1948, que la princesse Elizabeth, accompagnée du duc d'Edimbourg, a fait son premier déplacement à l'étranger. La reine parle un français impeccable, qu'elle se plaît à pratiquer lors de la remise des lettres de créances par les ambassadeurs de pays francophones. 

A Buckingham Palace, l'Hexagone est omniprésent. Le service de Sèvres turquoise utilisé lors des grandes occasions est un cadeau du roi Louis XVI à la duchesse de Manchester. Les maisons françaises sont le premier fournisseur étranger de la cour d'Angleterre. Les menus sont toujours écrits dans la langue de Molière, hommage sans doute aux ancêtres normands et angevins de la lignée issue des Hanovriens, étendue aux Saxe-Cobourg rebaptisée Windsor.


Elizabeth II avec le président René Coty en avril 1957, lors  de sa première visite d'Etat en France.
Elizabeth II avec le président René Coty en avril 1957, lors de sa première visite d'Etat en France. | KEYSTONE/GAMMA-RAPHO

La France le lui rend bien. L'une des premières visites à l'étranger d'un président de la République est souvent réservée au Royaume-Uni. Le nouvel élu, qu'il soit de droite, de gauche ou du centre, ne sera pas dépaysé par les ors et les fastes de la première monarchie d'Europe. La locataire de Buckingham Palace se montrera comme à son habitude "attentionnée mais sans manifester de l'amitié", pour reprendre l'expression de l'un de ses anciens premiers ministres. Les idées politiques de son visiteur la laisseront indifférente puisque, comme l'a fait remarquer un ex-collaborateur, "la reine n'est ni de gauche, ni de droite, elle met les politiciens dans le même sac".

Ayant regagné ses appartements privés après le banquet réglé comme du papier à musique, la reine consignera, comme à l'habitude, ses impressions sur la soirée dans son carnet intime. Contemplant la photo en noir et blanc de ses parents posée sur son secrétaire Chippendale, elle se souviendra du général de Gaulle, qui tient une place privilégiée dans la galaxie des hôtes de l'Elysée qu'elle a connus depuis 1958.
AMBASSADEUR DE FRANCE AU ROYAUME-UNI, Bernard Emié explique cette prééminence gaullienne par la fraternité des armes qui a soudé les deux pays lors de la seconde guerre mondiale : "Avec la reine Elizabeth II, c'est l'Histoire que l'on rencontre, mais c'est aussi notre liberté. Car c'est à son peuple, à son père, George VI, à son premier ministre d'alors, Winston Churchill, que nous devons l'accueil à Londres du général de Gaulle et de la France libre, puis avec les Alliés, la libération de la France."

La visite officielle qu'effectue de Gaulle en 1960 est restée gravée dans sa mémoire. Pour préparer cet événement, le premier ministre Harold Macmillan avait écrit à la reine : "Mme de Gaulle est très timide et ne parle pratiquement pas anglais. Mais c'est une femme de caractère. J'ai entendu dire que c'est la seule personne capable d'impressionner le Général, mais c'est peu probable."Le Général retrouve alors avec une intense émotion Londres où, rebelle totalement inconnu, il avait débarqué après la défaite de 1940. L'Angleterre l'accueille dans un fracas de musique et de vivats, avec un faste considérable. Jamais une foule aussi nombreuse - plus de 100 000 personnes se pressent entre la gare Victoria et Buckingham Palace - n'avait acclamé un chef d'Etat étranger à son arrivée dans la capitale !
Accueil du général de Gaulle à la gare Victoria, à Londres, en 1960. La visite du président français est un triomphe.
Accueil du général de Gaulle à la gare Victoria, à Londres, en 1960. La visite du président français est un triomphe. | AFP

Au palais, la reine remet au Général en uniforme le collier de l'ordre de Victoria, l'une des plus hautes décorations britanniques. Elle répond ainsi à l'octroi la veille par la France de la croix de la Libération au roi George VI, son père, à titre posthume. Clin d'oeil à la France libre, une glace en forme de croix de Lorraine est servie au dessert lors du banquet de gala. Au dîner offert par le Général à l'ambassade de France, la reine, arborant le grand cordon de la Légion d'honneur, est assise à sa droite. L'atmosphère est à ce point chaleureuse qu'elle quitte le 11 Kensington Palace Gardens avec une vingtaine de minutes de retard sur l'horaire prévu. Du jamais-vu à l'époque. Sur le chemin du retour, elle confie à son mari son admiration pour de Gaulle, qui s'est adressé aux convives sans notes.
La reine apprécia le soutien apporté par François Mitterrand (ci-dessus, en 1992 devant l'Elysée)  au Royaume-Uni durant la guerre des Malouines, en 1982.
La reine apprécia le soutien apporté par François Mitterrand (ci-dessus, en 1992 devant l'Elysée) au Royaume-Uni durant la guerre des Malouines, en 1982. | AFP/JOEL ROBINE

Même si elle se garde bien de le dire, peu d'autres présidents français ont pu se targuer de la même cote que de Gaulle auprès de la reine. Comme toutes les femmes, elle est certes tombée sous le charme de François Mitterrand, qu'elle trouve sentencieux, hiératique - royal pour tout dire - mais tellement intéressant. Le monarque républicain, il est vrai, aurait été capable de séduire une pierre, comme l'a joliment fait remarquer Françoise Giroud. Elizabeth II a surtout apprécié le soutien indéfectible du président socialiste lors du conflit anglo-argentin des Malouines en 1982. Douze ans plus tard, c'est côte à côte, en vieilles connaissances, que le président et la reine inaugurent le tunnel sous la Manche, amarrant le royaume au continent. Sans doute la fille de George VI ne peut-elle pas effacer de son esprit l'idée que l'insularité a préservé son pays des invasions comme de la rage. Mais cette francophile convaincue approuve la prouesse technique d'un projet plébiscité en son temps par la reine Victoria en raison de son mal de mer.

Autre grand séducteur, Jacques Chirac, bel homme, cordial, spontané, parlant avec plaisir la langue de Shakespeare, ne pouvait que lui plaire. Certes, il n'a pas le goût des pompes royales, à l'inverse de son épouse Bernadette, née Chaudron de Courcel, qui sait ployer le genou en une belle révérence devant Sa Majesté. A son arrivée à Buckingham Palace, le 14 mai 1996, dans le landau d'Etat, il envoie des baisers à la foule, à la Chirac, à côté de la reine sidérée par de telles familiarités. Cela n'empêche pas cette dernière de multiplier les égards envers son visiteur d'outre-Manche. Elle s'assure ainsi que les régiments qui entourent son carrosse, les Irish Guards et les Welsh Guards, n'ont pas participé à la bataille de Waterloo.
En 1996, la familiarité de Jacques Chirac envers les sujets  de sa Majesté tranche avec les manières royales.
En 1996, la familiarité de Jacques Chirac envers les sujets de sa Majesté tranche avec les manières royales. | AFP/GERRY PENNY

Le 26 avril 2002, entre les deux tours de la présidentielle, la reine confie son inquiétude de voir figurer Jean-Marie Le Pen au second tour : "Il s'agit d'une situation difficile", glisse-t-elle à l'auteur de ces lignes. Décryptage de la confidence royale : les idées d'extrême droite lui répugnent. Elizabeth vote "Jack".

Parmi les présidents préférés de la reine figure sans doute aussi Georges Pompidou, à qui elle saura gré d'avoir levé le double veto gaullien à l'entrée du Royaume-Uni dans la Communauté européenne. "Nous ne roulons pas du même côté de la route, mais nous allons dans la même direction", déclare-t-elle lors de sa visite à Paris, en 1972. Claude Pompidou se remémorant l'épisode : "On s'est donné beaucoup de mal pour la recevoir à l'Elysée. Nous souhaitions tant que tout soit parfait. On se disait : "On n'arrivera jamais à ce que ce soit aussi bien que ce qu'elle attend." Et finalement, elle a été absolument charmante. Beaucoup plus simple que tout ce qu'on peut imaginer."

AU TRIANON, LE PRÉSIDENT POMPIDOU commet un grave faux pas en prenant le bras de sa visiteuse pour la présenter aux dignitaires. Nemo me impune lacessit ("personne ne me touche impunément") est, après tout, le pendant en Ecosse du "Honni soit qui mal y pense", la devise de l'ordre de la Jarretière. La visiteuse ne lui en tient pas rigueur. Peut-être s'est-elle souvenue de son premier voyage en France, à la Pentecôte 1948, avec son époux, alors qu'elle n'était encore qu'une princesse. La future reine était enceinte de Charles.

Elizabeth II reçue en 1972 par Georges Pompidou. Elle lui sera reconnaissante d'avoir levé le veto gaullien à l'entrée  du Royaume-Uni dans la CEE. photo: KEYSTONE/GAMMA-RAPHO
Elizabeth II reçue en 1972 par Georges Pompidou. Elle lui sera reconnaissante d'avoir levé le veto gaullien à l'entrée du Royaume-Uni dans la CEE. photo: KEYSTONE/GAMMA-RAPHO | KEYSTONE

Le déplacement n'avait pas de caractère officiel. Elle avait visité l'exposition britannique au musée Galliera, dont le commissaire était un certain... Georges Pompidou. Vu les restrictions de l'après-guerre, Elizabeth n'avait pu s'acheter de nouvelles toilettes pour l'occasion et George VI avait discrètement demandé de limiter le dîner de l'Elysée à seulement quatre plats, contre onze lors de son déplacement en 1938. La tournée de quatre jours - Versailles, le Trianon, Fontainebleau, soirée privée à la Tour d'Argent, malgré sa grossesse - avait été menée à un train d'enfer. "La p'tite princesse", comme le Tout-Paris l'appelait, s'était rendue Chez Carrère, célèbre cabaret de la rue Pierre-Charron, pour écouter, entre autres, Piaf, les Compagnons de la chanson et Henri Salvador. Seule ombre au tableau, le général de Gaulle n'avait pas été invité à la réception donnée à l'ambassade de Grande-Bretagne. Le Foreign Office n'avait pas voulu se mettre à dos le président Auriol en accueillant cet adversaire intransigeant de la IVe République.

C'est avec Valéry Giscard d'Estaing que la relation fut la plus difficile. Très distingué, le jeune président cultive des allures de monarque qui font sourire le palais. "Ses manières quelque peu didactiques ne semblent pas irriter les Français [...], pas plus dérangés par son habitude de pincer les lèvres et d'énoncer chaque syllabe avec une clarté compassée", écrit l'ambassadeur britannique à Paris avant la venue du président Giscard à Londres, en juin 1976. "Plus le président pourra être vu avec des membres de la famille royale comme s'il était un ami, plus il sera content."

Résultat, un cortège impressionnant de princes et de ducs reçoit l'occupant de l'Elysée à Buckingham Palace. Toutefois, le secrétaire privé a caché à la reine un autre télégramme diplomatique décrivant les expéditions nocturnes du président et son fameux "accident du laitier". Petit rappel : VGE au volant d'une Ferrari et en galante compagnie aurait embouti au petit matin le camion d'un laitier qui commençait sa tournée.

Valéry Giscard  d'Estaing lors de sa visite à Londres en 1976. Les allures de monarque du jeune président agaçaient la reine.
Valéry Giscard d'Estaing lors de sa visite à Londres en 1976. Les allures de monarque du jeune président agaçaient la reine. | AFP/ARCHIVE

La reine prend en revanche connaissance de la dérive monarchiste de son visiteur qui l'a conduit à se faire servir en premier et à refuser un vis-à-vis lors de ses dîners élyséens. A l'ambassade de France à Londres, Elizabeth II, qui, en bonne Anglaise, n'est pas gênée par les courants d'air, demande qu'on ouvre grand la fenêtre derrière elle. Frileux, le président exige qu'on ne la laisse qu'entrouverte... Malgré ces bisbilles, la visite est un triomphe diplomatique pour le président français, qui fait adopter sa proposition d'une rencontre annuelle des deux gouvernements. Et la reine sera reconnaissante à Valéry Giscard d'Estaing de lui avoir conseillé de bien surveiller ses petites cuillères lors de la visite officielle de Nicolae Ceausescu. Peu de temps auparavant, l'épouse du dictateur roumain aurait subtilisé celles d'un dîner à l'Elysée... Pour preuve de sa gratitude, Elizabeth II offre à son visiteur Samba, un labrador noir, auquel VGE, snob incorrigible, s'adressera toujours en anglais.

Et le président sortant, a-t-il trouvé grâce aux yeux d'Elizabeth ? La visite d'Etat de Nicolas Sarkozy au Royaume-Uni, les 26 et 27 mars 2008, a fait date, non pas en raison du nouveau président, mais de son épouse. Ancien top-model devenue chanteuse, Carla a tenu dans ses bras Eric Clapton et Mick Jagger. De quoi impressionner même la prude souveraine. Bombardée première dame de France, l'égérie des pop stars et des philosophes germanopratins doit affronter une épreuve de haute école protocolaire : l'échange de banalités avec une personnalité spécialiste en la matière et qui déteste les conversations "de femmes". L'interprète de T'es ma came passe le test haut la main. La souveraine est séduite.

Elle reçoit en mai 2008 le président Sarkozy et son épouse Carla. Cette dernière porte un manteau gris, couleur proscrite à la cour d'Angleterre. Photo: PHILIPPE WOJAZER/AFP
Elle reçoit en mai 2008 le président Sarkozy et son épouse Carla. Cette dernière porte un manteau gris, couleur proscrite à la cour d'Angleterre. Photo: PHILIPPE WOJAZER/AFP | AFP

A L'ARRIVÉE EN CARROSSE au château de Windsor, chapeautée d'un bibi à la Jackie Kennedy et vêtue d'une redingote ceinturée, Carla fait devant la reine une révérence impeccable, une génuflexion brève et naturelle, alors que l'étiquette ne l'exige pas des visiteuses étrangères. En connaisseuse, Elizabeth II apprécie. La presse tabloïd aura beau publier des photos d'une Carla Bruni dénudée - du temps où elle était mannequin -, la cour ne tarit pas d'éloges sur la discrétion de ses tenues. En outre, Mme Bruni-Sarkozy s'adresse à Elizabeth II dans un anglais parfait, volant parfois au secours de son mari qui malmène la langue de Shakespeare. Seuls faux pas : à la sortie de l'avion, Carla porte un manteau gris. Une couleur trop proche du noir, réservé au deuil, proscrite à la cour d'Angleterre. Et lors du passage en revue des troupes, elle se met dans le sillage de son mari. La reine la retient gentiment : c'est un privilège réservé aux hommes. Erreurs bénignes.

Effervescent, pressé, infatigable, Nicolas Sarkozy, lui, déconcerte une souveraine réputée pour son sens de l'écoute et son flegme. Le président commet par ailleurs un crime de lèse-majesté en allant se coucher avant son hôtesse à l'issue du banquet. Pourtant très à cheval sur le protocole, vénérant les usages établis, Elizabeth II ne laisse rien paraître et s'acquitte de sa tâche avec un art diplomatique consommé.

"C'est une vraie reine", disait d'elle François Mitterrand. Parmi tous les hommages venus de l'Hexagone, c'est sans doute celui qui l'a le plus touchée.

Le Monde

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